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MSO : Les ateliers secrets où McLaren réinvente le luxe automobile

Dans le cadre d’une tournée européenne destinée à promouvoir les activités du département « MSO » de McLaren, Design Magazine a pu rencontrer, à Bruxelles (Belgique), quelques-uns des acteurs qui donnent vie à cette division très spéciale du constructeur britannique.

La rencontre avec les « ambassadeurs » de MSO se déroule à Waterloo, près de Bruxelles. Dans un showroom récent, trois véhicules, recouverts d’une bâche, attendent d’être dévoilés. Ils sont signés « MSO ». C’est à vingt minutes du centre de Woking, dans un bâtiment de verre et de courbes signé Norman Foster, qu’une poignée d’ingénieurs, de designers et d’artisans travaillent dans un silence quasi cérémonial. Bienvenue chez McLaren Special Operations (MSO), le département le plus confidentiel, le plus convoité — et le plus créatif — de la marque britannique. Ici, le luxe n’est pas une option : c’est un art, une philosophie, une manière de repousser les limites du possible.

Depuis son lancement en 2011, MSO est devenu le laboratoire d’excellence où naissent les McLaren les plus rares de la planète. Des modèles un peu plus personnalisés que les autres, certes ; mais aussi des séries limitées destinées aux collectionneurs, et surtout des commandes sur-mesure imaginées pour quelques clients triés sur le volet, comme l’explique Dan Marsh, Head of Commercial & Client Experience, au sein du département MSO. Dans ces ateliers, la supercar devient un territoire d’expression intime, presque émotionnel — un dialogue entre la vision du client et le savoir-faire d’une élite technique.

Le processus MSO s’apparente à un voyage initiatique. Tout commence par une rencontre : un souhait, une couleur, une obsession esthétique ou un souvenir. Les designers transforment alors l’idée en esquisse, puis en rendu digital ultraréaliste. Les possibilités sont presque infinies : fibres de carbone teintées, teintes exclusives élaborées à partir de pigments rares, cuirs travaillés à la main, broderies complexes, pièces sculptées dans des matériaux nobles… jusqu’à la création de silhouettes entièrement réinterprétées. Chaque projet porte la signature MSO Design, MSO Bespoke ou MSO Heritage, trois divisions réunies par une même quête : préserver l’ADN de McLaren tout en ouvrant la porte à la singularité pure.

Le temple de la fibre de carbone

Dans les ateliers, la technologie flirte avec l’artisanat. Des techniciens manipulent la fibre de carbone avec la même précision qu’un luthier sélectionne son bois. Des peintres déposent des couches de couleur qui demandent parfois plus de trois semaines de travail. Le moindre détail fait l’objet d’une attention obsessionnelle : une couture, l’alignement parfait d’un motif, la brillance d’un vernis, l’équilibre d’une texture. Chaque McLaren MSO devient une pièce unique : un objet de collection autant qu’un instrument de performance. Et c’est précisément là que réside la force de MSO : offrir un luxe sans emphase, ancré dans l’ingénierie et dans cette culture britannique de la précision élégante.

Mais le département ne se contente pas de sublimer l’existant. MSO est aussi le terrain de jeu où McLaren teste les innovations qui influenceront la gamme de demain. Nouveaux matériaux, carrosseries ultralégères, traitements acoustiques, solutions de durabilité… Ces expérimentations se retrouvent souvent, quelques années plus tard, dans les modèles de série.

Car MSO est autant un atelier qu’un think tank. Un espace où le design, la performance et la recherche avancée convergent pour imaginer le futur du luxe automobile.

Une clientèle mondiale, une relation ultra-personnalisée

Les clients MSO viennent du monde entier : entrepreneurs, pilotes, collectionneurs, artistes, visionnaires. Tous partagent une même envie de se distinguer sans ostentation, en privilégiant une rareté subtile plutôt qu’une exubérance tapageuse. Pour eux, une McLaren MSO n’est pas seulement une voiture : c’est un récit personnel incarné dans le carbone et l’aluminium. Dans le showroom de Bruxelles, Dan Marsh explique la philosophie de trois modèles qui ont été imaginés de concert avec trois clients belges, passionnés par la marque. « Chaque client peut véritablement configurer l’esthétique de sa voiture dans les moindres détails et selon tous ses désirs », confirme-t-il. Il est rejoint par Daniel Howe, Lead Visual Artist chez MSO, le designer qui travaille sur les multiples projets destinés à ces clients très spécifiques. Howe explique la difficulté du projet « Triple Crown Art », un véhicule célébrant trois victoires de McLaren dans différents types de compétitions (F1 à Monaco en 1984, Indianapolis 500 en 1974 et les 24 Heures du mans en 1995). « Le processus qui nous a permis d’obtenir cet effet de projection de peinture bleue sur l’arrière du véhicule nous a demandé des heures et des heures de mise au point », avoue-t-il. Avec ce travail spécialisé, McLaren est aujourd’hui l’un des constructeurs qui maîtrise le mieux la peinture de ses modèles. Un peu comme un artiste, réputé pour le soin apporté à ses toiles de maître…

L’expérience va bien au-delà du produit : visites confidentielles des ateliers, échanges avec les ingénieurs, sessions de configuration privées, livraisons cérémonielles… MSO offre un luxe émotionnel, fondé sur la précision, le savoir-faire et l’écoute.

Quand la haute performance rencontre l’artisanat

Dans le paysage du luxe contemporain, MSO occupe une place singulière. Là où d’autres maisons misent sur la flamboyance, McLaren cultive l’essentiel : l’émotion brute de la vitesse, adoucie par la douceur d’un geste artisanal. C’est cette tension entre performance extrême et finesse humaine qui rend MSO unique. Dans un monde automobile où le sur-mesure devient une valeur cardinale, MSO s’affirme comme l’un des ateliers les plus raffinés du secteur. Une adresse confidentielle où l’on ne construit pas de simples supercars, mais des fragments d’identité destinés à rouler — ou à rejoindre, parfois, les collections les plus exclusives du globe.

Dernier joyau en date de MSO, le « Project Viva » — une McLaren 750S Spider — se distingue comme une œuvre automobile unique, pensée pour capturer l’énergie et le spectacle de Las Vegas avant le Grand Prix de Formule 1 de 2025. Mais au lieu de répliquer les néons et les couleurs flamboyantes typiques de la ville, MSO a choisi une voie audacieuse : celle du monochrome artistique.

La carrosserie arbore une livrée « Sketch in Motion » faite à la main, avec la teinte noire exclusive « Vegas Nights » — un noir profond, rehaussé de fines particules cyan, magenta et vert, qui, sous la lumière, évoquent discrètement le scintillement des lumières de la Strip. Mais le travail va bien au-delà de la peinture : tout le design raconte une histoire. On y retrouve des motifs graphiques inspirés des casinos, des cartes, des dés, des emblèmes du glamour nocturne, et des clins d’œil à l’héritage de McLaren — comme les silhouettes de modèles qui ont marqué l’histoire de la marque, ou le casque du fondateur conçu en motif sur le parechoc avant droit. Le lien entre la course et la célébration se fait tangible grâce à la touche finale apportée par les pilotes de l’équipe de F1 de McLaren, Lando Norris et Oscar Piastri, qui ont apposé leurs signatures à la main sur le parechoc arrière — accompagnées d’une étoile en feuille d’argent, symbole du 10ᵉ titre constructeur remporté par McLaren en 2025.

Le Project Viva n’est donc pas seulement une voiture, mais un objet narratif, un manifeste de ce que MSO sait offrir de mieux : un équilibre harmonieux entre performance, héritage, artisanat et audace créative. Ce one-off incarne l’esprit même de la division — transformer des rêves, des passions ou des lieux iconiques en supercars d’exception, uniques au monde.

©DM 03/12/2025 Texte : Dominique Fontignies Photos : ©Pierre Fontignies et ©McLaren