
À la croisée de la controverse politique, de la liberté d’expression et de la pression des marchés, la brève suspension aux Etats-Unis du show télé « Jimmy Kimmel Live! » par ABC (filiale de Disney) aura fait réagir bien au-delà des plateaux de télévision. En cinq jours, ce qui semblait être une décision de prudence s’est transformé en volte-face, reflétant les défis que rencontrent aujourd’hui les grands groupes de médias.
À la tête de d’un des show télé les plus populaires aux Etats-Unis depuis janvier 2003, Jimmy Kimmel est aujourd’hui le plus ancien présentateur de late-night show encore en activité aux États-Unis sur une même chaîne (ABC, qui appartient à Disney Group). Son émission, le « Jimmy Kimmel Live ! », tournée à Hollywood, mêle interviews de célébrités, sketches satiriques et séquences devenues cultes (comme les Mean Tweets). Jimmy Kimmel est un animateur, humoriste et producteur américain né en 1967 à Brooklyn. Il s’est d’abord fait connaître à la télévision par des émissions humoristiques (Win Ben Stein’s Money, The Man Show) avant d’imposer son propre style sur ABC.
Le 17 septembre 2025, la chaîne ABC annonce la suspension « temporaire » de Jimmy Kimmel Live! après un monologue de l’artiste critiquant la prise de position de certains partisans de Donald Trump, suite à l’assassinat du militant conservateur Charlie Kirk. Les critiques sont alors très vives : des groupes conservateurs jugent les propos « offensants et insensibles », la Federal Communications Commission (FCC), avec à sa tête Brendan Carr, suggère des mesures réglementaires si ABC ne « réagit pas ». Des diffuseurs possédant des stations affiliées à ABC (comme Nexstar ou Sinclair) retirent le show de leur programmation. Face à la pression publique, médiatique, et aussi interne, Disney finit par engager des « discussions réfléchies » avec Kimmel. Finalement, le retour de Kimmel aura bien lieu ce 23 septembre aux soir !
Pourquoi ce retour ? Plusieurs facteurs ont poussé Disney à faire machine arrière. D’une part, la réaction publique et le soutien à Kimmel. De nombreux artistes, personnalités politiques, syndicats du spectacle et organisations de défense des libertés d’expression (ACLU, Writers Guild, etc.) ont vivement critiqué la suspension, la qualifiant d’acte de censure. Deuxièmement, des perturbations avec les diffuseurs affiliés. Sinclair et Nexstar, deux grands groupes contrôlant plusieurs chaînes ABC affiliées, avaient déjà interrompu la diffusion du show. Leur retrait a fragilisé la visibilité du programme, occasionnant un préjudice potentiel pour Disney. Enfin, la perte de valeur boursière élevée. Lors de cette suspension, le cours de bourse de Disney a dévissé de 1,9 %, ce qui représente une perte de capitalisation boursière estimée à près de 4 milliards de dollars. De quoi définir la valeur intrinsèque de Kimmel dans la programmation de la chaîne ! Cette chute en bourse, conjuguée aux craintes de boycott, aux pertes potentielles de recettes publicitaires, et aux effets d’opinion publique négative, a dû peser lourd dans la balance. Même si aucun rapport officiel ne confirme que le revenu de Disney ait directement baissé, l’impact sur la confiance des investisseurs et sur l’image de la marque a été réel.
Cet épisode de quelques jours témoigne aussi de la capacité de réaction rapide de l’entreprise Disney ! Le retour de Kimmel montre aussi une forme de calcul stratégique : Disney est prêt à intervenir rapidement dès que le coût — économique, moral, réputationnel — d’une décision devient trop élevé. Le groupe reconnait ainsi l’importance non seulement du contenu mais de la perception du public : dans un contexte de polarisation, chaque décision de censure ou suspension est amplifiée, scrutée. Enfin, cela révèle que dans le monde du divertissement, la pression des marchés (actionnaires), la régulation, mais aussi les réseaux sociaux, peuvent imposer un retour en arrière, même quand on pensait devoir tenir une ligne dure.
©DM23/09/2025 Photos : ©ABC Entertainment/Disney Group et Adobe